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mercredi 16 février 2011

Premier journal de bord

INTRODUCTION  
Au mois de juillet 2009, j’ai eu la chance de participer au programme Chantiers jeunesse, qui offre l’opportunité à des jeunes québécois de 15 à 30 ans de participer à divers projets de volontariat à l’étranger. Mon projet se réalisa en République Tchèque, dans la ville d’Usti nad Labem avec l’organisme People in Need. Cet organisme existe depuis 1999 et œuvre auprès de groupes socialement exclus souffrant de pauvreté, de chômage, de décrochage scolaire, de toxicomanie, et bien sûr, de stigmatisation. En effet, ces groupes sont tombés dans une pauvreté et une exclusion sociale tellement grandes que les gens semblent pouvoir les distinguer des autres citoyens tchèques, et ce, à vue d’œil. Dans le présent journal de bord, il sera question de faire ressortir certains concepts et certaines idées vus dans le cadre du cours et d’analyser à la lumière de ceux-ci cette problématique telle que dépeinte par mon expérience au sein de People in Need.

 

CONTEXTE
En 1999, sur la rue Maticni – rue sur laquelle se trouve le centre de People in Need – un mur est construit sous les ordres d’autorités locales, afin de diviser en deux un quartier résidentiel. D’un côté se trouveraient les Roms – Romanichels, Gypsies, Tsiganes ; les appellations sont multiples, mais les gens que j’ai rencontrés préfèrent celle-ci – et d’un autre, les « blancs ». Ce projet est d’une controverse telle qu’il fait le tour du monde et attire l’attention de la communauté internationale. Six semaines après sa construction, le mur est démonté, puis ironiquement, relocalisé au zoo de la ville. Avant de me rendre à Usti Nad Labem, j’étais en visite à Prague. Lorsque je disais aux Tchèques que je rencontrais sur ma route que je me dirigeais vers cette ville, on me croyait folle : « Ne va pas là! », « Les Roms sont des voleurs, des bandits! »,  « Que vas-tu foutre là-bas? ». Déjà à ce stade, je voyais que les Roms étaient perçus d’une façon très négative. Arrivée sur place, j’ai constaté que même dix ans après l’érection et la destruction de ce mur, ses conséquences sont toujours palpables.
ANALYSE
Tout d’abord, voyons les liens qui existent entre les idées de Guillaumin et l’exemple des Roms d’Ustid nad Labem. Selon Guillaumin, la différence n’est pas un reflet de la réalité empirique, mais bien une représentation construite que l’on a de tel ou tel groupe (Guillaumin, 1992). Dans le cas des Roms d’Usti Nad Labem, le mur de la rue Maticni symbolise cette différence construite socialement. La différenciation – ce processus social par lequel des traits physiques ou culturels sont opposés à une norme non définie (Notes de cours) – peut avoir des conséquences à très long terme sur ceux et celles qui en sont victimes, comme en témoigne l’exemple du mur. Les autorités locales qui ont ordonné la construction du mur se sont basés sur des traits physiques (les Roms ayant une couleur de peau plus foncée que les autres citoyens tchèques en général) et culturels (la musique écoutée le soir par les Roms suscitant des plaintes de bruit dans le voisinage) pour cristalliser les différences et l’exclusion des Roms dans une hiérarchie sociale. Ainsi, le référent (soit la norme d’être blanc et de ne pas écouter de la musique en groupe le soir) est vaguement défini et l’est même de façon négative, puisque c’est la différence (le fait d’être Rom, avec la peau foncée et d’écouter de la musique en groupe le soir) qui est cette entité immobile dérangeante dont on cherche à se séparer avec un mur. En procédant ainsi avec la différenciation, la décision de construire un mur a semblé tout à fait naturelle et légitime pour les autorités locales, qui confirment ainsi l’oppression des Roms et leur propre place dominante dans la hiérarchie sociale.
Par ailleurs, nous avons pu discuter avec des résidents du quartier de la rue Maticni, qui nous ont expliqué que le mur était destiné, entre autres, à protéger les enfants et adolescents « blancs » des enfants et adolescents Roms qui selon eux, s’adonnaient tous à des activités criminelles, particulièrement le soir (graffitis, vols, taxage, consommation de drogues, etc.). Dans cette construction de la différence, – qui justifierait pour ces gens l’érection d’un mur –  un énoncé à relation hiérarchique est utilisé : les Roms sont différents des « blancs », ils sont dangereux pour nos enfants avec leurs activités criminelles. Bref, les liens entre les concepts étudiés en classe ainsi que cet exemple social qu’est le mur de la rue Maticni et les Roms d’Usti nad Labem sont étroits et mériteraient d’être approfondis.
CONCLUSION
            Finalement, une mise en contexte ainsi qu’une analyse de mon expérience personnelle à Usti Nad Labem à la lumière de concepts vus en classe m’ont permis de réaliser ce journal de bord et de faire des liens entre mes apprentissages académiques et mes apprentissages expérientiels en lien avec des sujets contemporains. Le mur de Maticni n’est qu’un exemple de l’enjeu actuel concernant la situation des Roms en Europe, comme en témoignent également les expulsions massives de cet été en France.



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